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Céramiques Pierre Digan

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Les céramiques en grès pyrité Pierre DIGAN.

Dans cet article, j'aimerais vous faire découvrir un artiste pour lequel j'ai eu un coup de cœur, le céramiste Pierre Digan (1941-2016). Formé à l'école des arts appliqués de Beaune dès 1956 auprès de Michel Lucotte (*), il commenca sa carrière en tant que potier dans des ateliers du midi, notamment à Vallauris. Dans les années 60, il s'installe dans une petite commune du Cher connue pour ces ateliers de céramiste: La Borne, capitale du grès en France. J'ai découvert le travail de Pierre Digan au hasard d'une rencontre avec une connaissance de l'artiste qui vendait quelques unes de ses pièces.

Ces objets, en grès pyrité, reconnaissables par leurs imperfections de cuisson, m'ont tout de suite attiré l’œil. Leur fabrication débuta dans les années 70. Les modèles présentés ici sont des exemplaires conçus en 1972 avec la collaboration de Janet Stedman (1945-1987), sa compagne de l'époque, qui était également potière et émailleuse. Ensemble, ils créent l’entreprise Digan Grès et à eux deux, forment pas moins de 200 stagiaires et compagnons tourneurs entre 1967 et 1979 qui venaient apprendre le métier avant de se lancer dans une carrière individuelle.
Objets "utilitaires" en grès pyrité dans les années 70.
Photos la Broc' Bacott'
C'est durant cette période que Pierre Digan connaitra ses plus grands succès professionnels. Fort de sa participation aux salons des Ateliers d’art de France à partir de janvier 1967 il acquièrt une clientèle professionnelle en France et également à l’international, notamment aux États Unis.

Il commence par exposer ses créations au centre de Paris, rue des Francs­ Bourgeois avant d'exporter son travail outre atlantique. Une période "complètement folle" selon ses dires car il partageait son travail entre créations architecturales pour les locaux des grands groupes industriels des années Giscard (Publicis, la Sacem, Air Inter ou encore Rochas) et la fabrication de services de vaisselles en grès, cassolettes et autres poteries dites "utilitaires" pour les touristes et ménagères de la région du Cher. Ses œuvres monumentales se vendent à prix d'or aujourd'hui. Par exemple, un claustra modulable, conçu vers 1975. Sa composition libre constituée de 300 éléments en grès brut jointes par scellement s'est récemment vendue 9600€ en salle des ventes. On retrouve encore aujourd'hui des vestiges de cette époque bénie des façades en grès emblématiques des années 70.

L'artiste témoignera de cette époque bénie du grès en architecture dans un ouvrage publié dans les années 2010 "Murs et masques céramiques", Éditions Obia. Un magnifique travail de mémoire en hommage à ces œuvres oubliées que l'on n'observent même plus.  Elles bénéficiaient alors, d'une aide accordée par l'état que l'on appelait le "1% à la construction". Cette aide servait à décorer les édifices publics. Cela facilitait la diffusion de l'art, pour le public et pour les artistes, notamment les céramistes. Cette subvention fut retirée par les pouvoirs publics quelques années plus tard ce qui a entrainé l’arrêt de la production des éléments de décor architectural, rendant les édifices toujours plus normés. Dans les années 70, cette activité architecturale pour les monuments publics représentait le gros de l'activité des ateliers Digan à la Borde.

C'est toute une génération d'artistes qui a exploré cet art de l'ornement d'édifices publics et du module décoratif. Les signatures les plus connues comme Albert Vallet, Roger Capron, Jean-Paul van Lith, Jean Derval, Bernard Dejonghe, Jean-Pierre Viot, Victor Anicet, Andrée et Michel Hirlet, le Groupe de l’œuf, et bien sur, Pierre Digan. L'ouvrage "Murs et masques céramiques", est une superbe rétrospective de leur œuvres.

Créations architecturales Pierre Digan dans les années 70.
source: http://astudejaoublie.blogspot.com/2014/09/habillages-decoratifs-de-facades-oce.html
Source: https://www.ader-paris.fr/lot/93050/9622870
Autre décennie, autres modes. Au début des années 80, le grès n'a plus la cote et les objets usuels comme les structures architecturales et façades décorées de grès ne sont plus au goût du jour. L'artiste ne se désole pas pour autant. Éternel entrepreneur, Il décide de passer à autre chose. Fasse à la consommation de masse et à l'abondance des produits en plastique, il quitte la Borde pour s'installer dans le limousin.

Là-bas, il débutera une production d'œuvres monumentales inspirées des paysages qu'ils l'entourent fait de granit, de bois, de marbre et de pierre. Son incertitude en l'avenir le poussant sans cesse à produire des œuvres qu'il qualifie de durables.  En 1993, à Lavergne (Lot), il crée un lieu d'exposition des ses œuvres à ciel ouvert qu'il nomme "le Pré aux sculptures" où une cinquantaine de sculptures monumentales sont encore exposées au public. Le "Coin des Clampes", fontaine en granit de Compeix, représentant deux femmes grandeur nature, inauguré le 27 Juin 1984 à Tulle en Corrèze est un emblème du passage de Pierre Digan dans la région. 
Source: http://lestrictmaximum.blogspot.com/2015/10/pierre-digan.html
Dans les années 2000, l'artiste souhaite se tourner vers la jeune génération et partager son expérience au plus grand nombre. Il publiera plusieurs ouvrages sur son œuvre et celle de ses contemporains: "Poterie usuelle contemporaine", "Céramistes mal élevé", "Murs et masques céramiques" et "Animaux céramiques". En 2005, il retournera brièvement à son premier amour, la terre, en se formant à la technique du Raku (*) sur les conseils d'un ami. Il ouvrira dès 2007 un atelier Galerie à Vallauris pour y exposer ses créations.

Toujours en quête de nouveaux projets, Pierre Digan ouvre à Limoges en 2010 un espace dédié aux créateurs de la jeune génération: La Galerie OBIA. Il imagine ce lieu comme un point de ralliement aux artistes locaux, qu'ils soient sculpteurs, graveurs, céramistes ou encore photographes. Il s'est également lancé à la fin de sa vie dans un projet de gites où il aimait recevoir les artistes dans la convivialité qu'il le caractérise.

Pierre Digan meurt le 25 janvier 2016. De La Borne à Paris en passant par Limoges et Vallauris, il n'aura de cesse de s'engager dans de nouveaux projets.

(*) Peintre, sculpteur, écrivain, créateur et poète. Professeur à l'École nationale des beaux-arts de Dijon (1958-1961) et à l'École municipale des beaux-arts de Beaune (1951-1991).
(*) Technique de cuisson artisanale de la poterie au Japon, notamment utilisée avant la cérémonie du thé.

Cet article a été rédigé grâce aux sources suivantes:
 - Article de Julien Rapegno publié dans gilblog le 20 octobre 2010,
- Site officiel de Pierre Digan: https://diganpierre.wixsite.com/accueil/sculpture-pierre
- Article Le strict maximum sur Pierre Digan du 21 octobre 2015 publié sur : http://lestrictmaximum.blogspot.com/
- Remerciement à Michelle GRIZARD qui m'a permise de découvrir cet artiste à travers ses anecdotes personnelles.

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